Dans cet article j΄entreprends une critique interprétative des vues de Démocrite et de Gorgias sur le dire (λέγειν) en tant qu΄entrelacement de signifiants au moyen desquels s΄extériorisent et s΄intégralisent des signifiés analogues (ομιλία) et en tant qu΄impression sensible, parlée ou écrite (γλώσσα) de ceux-ci. Présisément, je démontre que selon Démocrite - et c΄est pourquoi ses conceptions s΄avèrent bien plus intéressantes que celles de Gorgias - le dire, quoique, en tant que discours, ne se caractérise pas par une existence objective et se retient dans une dimension fugace, ne s΄anéantit pas. Cela, parce qu΄il constitue toujours le réfléchissement d΄un être solide au sens du continuum primitif cosmologique aussi bien que biologique (άτομα); ce qui lui procure la possibilité de transformer la réception, soit sensible soit intelligible, de l΄être en signifiés analogues -d΄ailleurs, l΄être lui-même s΄auto-dépasse, enfin, en tant qu΄origine antique cosmologique/biologique et existe seulement sous la forme d΄un signifié, sensible ou intelligible - et de maintenir sa fonction en tant que signifiant; et même de telle sorte, qu΄il réussisse successivement de donner à l΄être la forme d΄un discours et de tenir lui-même la place de l΄être dans une autonomie, autant signifiante que signifiée, entière. En revanche, pour Gorgias, le dire ne peut jamais maintenir ni la réception, sensible ou intelligible, de l΄être, sauf instantanément, ni sa fonction comme signifiant; de telle façon, qu΄il s΄auto-anéantit sans cesse. Cela, parce qu΄il se présente comme un phénomène indépendant et, en même temps, s΄auto-anéantissant, dans la mesure qu΄il ne possède pas une existence objective analogue à celle qui caractérise l΄être dans sa dimension soit idéale (logique générale) soit extérieure (sensible). D΄autant plus que l΄être lui-même, de par ses antinomies inhérentes, peut se prouver enfin inexistant (non-être). Il s΄agit d΄une idée vraiment paradoxale, qui tient au fait que Gorgias, exactement à l΄exemple de Parménide, conçoit l΄être comme une entité cosmique (ontique) aussi bien qu΄ontologique (qui puise sa signification à la logique), mais de telle manière que, contrairement à Parménide, la logique -s΄auto-anéantissante et, en plus, découpée de l΄être- peut rendre l΄être inexistant. Bref, le dire ne pourrait exprimer l΄être et, dès lors, exister, même si l΄être existait, précisément parce qu΄il ne possède -et ne peut l΄acquérir par le biais d΄une transmutation relative- l΄onticité (conjecturable toujours) de l΄être lui-même. Mais, en dépit de leur différence radicale, ces vues de Démocrite et de Gorgias, constitueraient un ensemble, un point de départ assez dynamique pour une approche de la philosophie de la langue.