C΄est un fait significatif que certaines notions scientifiques, lorsqu΄elles sont transposées en philosophie, acquièrent une ampleur telle qu΄elles peuvent servir d΄éléments pour l΄élaboration d΄une théorie de la connaissance. Une de ces notions, qui n΄a jamais jusqu΄à ce jour fait l΄objet d΄une analyse philosophique, mais qui pénètre de plus en plus dans tous les domaines, c΄est la notion de paramètre. Utilisée d΄abord en mathématiques, en tant que quantité maintenue constante, dont dépend une fonction de variables indépendantes, ou plus spécialement, comme quantité qui entre dans l΄équation d΄une famille de courbes, quantité dont la variation permet d΄obtenir toutes les variétés des courbes de cette même famille, elle passe dans les sciences physiques, où elle désigne toute grandeur pouvant définir l΄état d΄un système. Associée à la notion de coordonnée, elle constitue un instrument de tout premier ordre pour la détermination d΄avance du mouvement d΄un corps dans l΄espace, comme dans le cas des satellites artificiels, où elle indique l΄angle d΄inclinaison de leurs orbites par rapport à la terre. Chez les physiciens qui rejettent le principe d΄indétermination de Heisenberg, admis par l΄Ecole de Copenhague, par la référence à des "paramètres cachés", la notion de paramètre conduit à l΄idée qu΄il serait possible que des découvertes futures montrent le bien fondé du postulat de l΄existence d΄un déterminisme universel. L΄utilisation de plus en plus fréquente de la notion de paramètre dans le langage courant, employée le plus souvent dans un sens métaphorique, exprime la tendance de l΄homme d΄aujourd΄hui à la polyphonie, son penchant pour la dissociation, son besoin de se rapporter à plusieurs facteurs, de se mouvoir dans plus d΄un domaines. Du point de vue méthodologique, l΄introduction d΄une pluralité de paramètres dans les sciences est associée aux progrès de la recherche par la multiplication des angles d΄approche. D΄autant plus, qu΄un paramètre, étant par définition une variable, nous pouvons lui donner des valeurs quantitatives qui correspondent aux types des phénomènes que nous nous proposons d΄étudier. Enfin, pour ce qui est de la théorie de la connaissance, la notion de paramètre nous aide à comprendre le genre du modèle du monde que construit la science par sa structure rationnelle. Un paramètre est un instrument intellectuel à l΄aide duquel nous transportons les phénomènes de la nature que nos sens nous révèlent dans le domaine des relations mathématiques. Car, pour pénétrer dans la réalité, nous sommes conduits à construire des systèmes symboliques rationnels, lesquels, faits à notre propre mesure, expriment nos possibilités d΄arriver à un mode de connaissance que nous pouvons comprendre. Il se peut que les instruments intellectuels que nous forgeons soient conventionnels et qu΄ils n΄expriment pas la réalité telle qu΄elle est, mais de la même façon que nous relions ensemble les parties d΄une machine que nous avons nous mêmes inventées, de sorte que la machine fonctionne efficacement dans le réel, nous organisons, grâce aux notions que notre intelligence conçoit, un modèle cohérent de la réalité en utilisant des paramètres. S΄il en est ainsi, le rôle principal de l΄emploi de paramètres dans un système, consiste à faire multiplier les voies d΄approche pour l΄étude des phénomènes à travers le modèle de la réalité que construit la science, modèle qui dérive, en dernière analyse, d΄un dialogue entre l΄expérience et la raison. L΄auteur termine son enquête en montrant que la notion de paramètre trouve aussi son application en philosophie par le fait que chaque grand philosophe introduit à travers son système ses propres paramètres pour interpréter la réalité.
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